Parigot, tête de « Bleau » !

18 janvier 2016 - Pas de commentaire

Quand j’ai commencé à m’intéresser sérieusement à l’histoire de l’alpinisme, j’ai vu apparaitre, dans mes différentes lectures, un joli paquet de termes abscons pour le non-alpiniste que je suis… J’ai notamment longtemps cru que l’expression « Bleau » faisait référence à une obscure technique pendulaire de franchissement de rimaye surplombée avant de me rendre compte que c’était un peu plus intéressant que ça…

Le Groupe de Bleau, rendez-vous du Tout-Paris de l’alpinisme

Au début du siècle dernier les parisiens qui n’avaient pas le vertige et qui voulaient prendre un peu de hauteur ont commencé à tourner leur regard vers les Alpes. Le problème c’est qu’à l’époque, pour rejoindre Chamonix depuis la capitale, il fallait compter une semaine de trajet ou presque… alors en attendant les progrès de l’automobile, nos aventuriers citadins se donnèrent rendez-vous tous les week-end sur les rochers de la forêt de Fontainebleau pour parfaire leur technique de l’escalade, d’abord de façon un peu anarchique, puis en groupes plus au moins structurés. Ainsi, naquit en 1907 le « Groupe des Rochassiers » auquel succéda le « Groupe de Bleau » en 1924. Parmi ses membres les plus illustres, on trouve notamment Bobi Arsandaux, Guy Labour (celui de « L’impossible sauvetage ») ou encore le cinéaste Marcel Ichac qui fera partie de la fameuse expédition française sur l’Annapurna en 1950.

Pierre Allain en chef de file

Mais c’est en 1932 que les « Bleausards » vont trouver leur Dieu, en la personne de Pierre Allain qui deviendra rapidement la figure emblématique, et le meilleur grimpeur du groupe, avant d’aller faire parler de lui dans les Drus ou au Hidden Peak dans l’Himalaya. Dans son sillage, suivra le Tout-Paris de l’alpinisme avec pêle-mêle: Jean Couzy, René Ferlet, Guy Poulet, Guido Magnone, Jacques Poincenot, Auguste Fix, Pierre Mazeaud, Pierre Kohlmann, Robert Paragot, Lucien Bérardini ou encore les frères Leininger. Même le grand René Desmaison y préparera souvent ses plus belles ascensions.

Il suffit de lire « Montagne pour un homme nu » de Pierre Mazeaud pour comprendre la place de ce haut lieu de l’escalade dans l’esprit des alpinistes parisiens: « Si les grands alpinistes parisiens n’avaient point connu à cette époque ce terrain d’entraînement, je pense que certaines premières resteraient encore à faire dans les Alpes. Non point la seule difficulté, mais l’esprit d’entreprise, puis la compétition ont pour origine commune cette école exceptionnelle à cinquante kilomètres de Paris. » Et un peu plus loin: « Hier privilège des quelques-uns, aujourd’hui école devenue publique, presque obligatoire, Fontainebleau fut un peu notre cénacle et si les premiers pas ont toujours quelque chose de solennel, bien vite, intégré, on participe au cirque, faisant partie du folklore du lieu ».

Des inventions en série et la création d’un mouvement

On doit aussi à quelques Bleausards astucieux de belles inventions qui, aujourd’hui encore, trouvent leur place dans l’attirail des alpinistes contemporains. Pierre Chevalier y inventa par exemple la corde d’escalade en nylon, Henri Brenot eut l’idée du singe (poignée bloquante – qui deviendra plus tard le jumar – permettant de remonter le long d’une corde fixe) mais encore une fois, c’est Pierre Allain qui se montra le plus en avance sur son temps en inventant le duvet, le chausson d’escalade ou encore le descendeur. C’est également au sein du Groupe de Bleau qu’a jailli la notion de « l’alpinisme sans guide » dont le mouvement est à l’origine du légendaire « Guide Vallot ». Les sans guides qui pondent un guide, étonnant paradoxe… ces fichus alpinistes me surprendront toujours !

Et aujourd’hui ?

Bleau est aujourd’hui encore le rendez-vous incontournable des grimpeurs parisiens. De nombreux sites internet (citons, par exemple, le très complet Bleau.info) proposent des topos sur les voies d’escalade ou encore des actualités sur ce lieu mythique parfois malheureusement cible de dégradations. Signe évocateur de l’ambiance qui règne dans cet endroit si particulier, les noms des blocs font l’objet de créations toutes plus improbables les une que les autres ! Et si « le Bilboquet du Cul de chien » est certainement le bloc le plus connu de Fontainebleau, je ne résiste pas au plaisir de citer, au hasard, quelques noms facétieux qui ont retenu mon attention: « Crampultime », « Rage de Dents », « Allô la Terre, ça Baigne », « Noël en Tong »… A croire que la troisième mi-temps n’est pas l’apanage des seuls rugbymen!

escalade à Bleau
Merci à Bart van Raaij de bleau.info pour la photo !

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