La tragédie du pilier du Frêney

Juillet 1961 : sept hommes dans la tempête

Le 11 juillet 1961, la France entière est touchée par une gigantesque tempête que personne n’a vu venir. Les pins se couchent dans les Landes tandis que les bateaux coulent au large de Concarneau. Dans le massif du Mont-Blanc, sept alpinistes, persuadés qu’il s’agit là d’un orage passager dont les Alpes ont le secret, bivouaquent à quelques mètres du sommet du Pilier du Frêney, en attendant une accalmie qui ne viendra pas. Seuls trois d’entre eux survivront…

Quelques jours plus tôt, au refuge de la fourche, quatre jeunes français se préparent dans la bonne humeur à attaquer l’ascension du pilier du Frêney, dernier grand problème du secteur. Il y a là Pierre Kohlmann*, Antoine Vieille, Robert Guillaume et Pierre Mazeaud qui, à 32 ans, est le plus âgé du groupe. Tous sont des alpinistes avertis. A la tombée de la nuit, une cordée italienne fait son entrée dans le refuge. A sa tête, le grand Walter Bonatti. A ses côtés, son ami Andrea Oggioni ainsi que son client Roberto Gallieni. Leur objectif est le même que celui des français. Après quelques palabres, ils décident de s’associer et de ne faire qu’une seule et même cordée qui, il faut bien le dire, a de la gueule !

Le sonotone de Pierre Kohlmann frappé par la foudre

Mais ce 11 juillet, après un début d’ascension tranquille, la panique s’empare soudainement du groupe de grimpeurs qui s’apprête à bivouaquer. L’orage est là et la foudre frappe, attirée par le métal des mousquetons et des piolets, mais aussi par l’appareil auditif de Kohlmann. L’image des flammes bleues entrant dans son oreille saisit d’effroi ses camarades. Kohlmann s’effondre… puis revient à lui mais la raison semble l’avoir abandonné… comme si la foudre lui avait grillé le cerveau… Le bivouac est apocalyptique mais ceux-là ont l’habitude. Et puis demain il fera beau…

Deux jours plus tard, le mauvais temps est toujours là. Il faut agir sous peine de voir les organismes s’affaiblir dangereusement. Les sept hommes s’engagent alors dans une descente dantesque, menée par Bonatti, le gardien des lieux. Mais la descente est longue et une quatrième nuit dans la montagne est inéluctable. Au fond de leur crevasse, les alpinistes, transis, sont inquiets, surtout pour Kohlmann qui, abruti par la fatigue, s’enfonce plusieurs gorgées d’alcool à brûler dans le gosier avant que ses compagnons n’interviennent. Le lendemain matin, ce ne sont plus des alpinistes mais des zombies qui repartent vers le refuge Gamba, objectif à la fois proche et terriblement lointain… Antoine Vieille meurt d’épuisement vers 9h, Robert Guillaume aux alentours de 19h…

Cinq jours et cinq nuits de lutte contre la montagne

Vers trois heures du matin, après avoir repoussé les assauts de Kohlmann qui, ayant définitivement tourné le carton, semble vouloir les tuer, Bonatti et Gallieni atteignent enfin le refuge Gamba d’où ils déclenchent les secours. Le corps de Pierre Kohlmann sera retrouvé là où ses compagnons l’avaient laissé délirant. Pierre Mazeaud sera miraculeusement retrouvé vivant, un peu plus haut sur la montagne, aux côtés du pauvre Ogionni qui s’est éteint sur son épaule durant la nuit. Les trois survivants sont évacués vers Courmayeur où ils pourront revenir à la vie après cinq jours et cinq nuits de lutte contre la montagne.

A la fin du mois d’août, c’est finalement une cordée emmenée par le britannique Chris Bonigton qui réussira la première du pilier du Frêney mais René Desmaison déclenchera une sévère controverse en estimant qu’il faisait lui aussi partie de la cordée gagnante. Walter Bonatti, encore convalescent, est en colère : « Que les sépultures de mes malheureux compagnons soient ainsi foulées aux pieds, ce n’est pas suffisant : parmi ces grimpeurs, il s’en trouve un pour prétendre avoir rendu le plus bel hommage aux victimes ».

* Dans « Montagne pour un homme nu », Mazeaud écrit « Kohlmann » avec deux « n » mais Charlie Buffet et Walter Bonatti n’en mettent qu’un.

Sources:

https://www.youtube.com/watch?v=rDqpXYfS090

4 Commentaires

  • laffin - 8 janvier 2017 à 17 h 40 min

    est çe que quelqu’un peut me dire où trouver le film retraçant ce drame ? dans ce film Pierre Mazeaud tiens son propre rôle . Merci d’avance !!!!!!

  • thomas - 8 janvier 2017 à 21 h 05 min

    Je n’ai pas connaissance d’un film sur cette tragédie mais peut-être parlez-vous du film « Pierre Mazeaud, la vie en face(s) ». Si c’est le cas, vous pourrez vous le procurer ici : http://www.montagne-librairie.com/Pierre-Mazeaud-la-vie-en-faces

  • Jon - 14 octobre 2019 à 10 h 43 min

    Voici la référence trouvée sur IMDB:
    https://www.imdb.com/title/tt9032594/?ref_=nm_knf_t1

  • Christian - 21 février 2021 à 17 h 16 min

    En 1981, Gérard Herzog signe l’adaptation et la réalisation du film « La Voie Jackson », d’après son propre roman inspiré de la tragédie du pilier central du Frêney.

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