Dudley Wolfe, 38 jours en enfer

K2 1939, la pire expédition de l'histoire

En 1939, l’alpiniste américain Fritz Wiessner a réussi sur le K2 un des exploits les plus improbables de l’histoire de l’alpinisme. Avec le sherpa Pasang Dawa, il a réussi à grimper jusqu’à 8400 mètres d’altitude sans oxygène en étant soutenu par la pire expédition jamais organisée. Pendant ce temps là, Dudley Wolfe, alpiniste mécène, membre de l’expédition, l’attendait tout seul dans sa tente à 7600 mètres. Il y est encore…

A la fin des années 30, entre deux expéditions Italiennes, les Américains décident de tenter leur chance sur le K2. Fritz Wiessner, né en Allemagne mais fraichement naturalisé Américain, est l’homme de base de cet engouement subit pour le K2. C’est un alpiniste de renommée mondiale qui a déjà participé à une expédition au Nanga Parbat avec Willi Merkl. Il est bouillant à l’idée de se frotter au géant du Karakoram, mais au moment où l’autorisation arrive en 1938, cet innocent s’est engagé ailleurs… c’est donc finalement Charles Houston qui prend la direction des opérations. Heureusement pour Wiessner, l’expédition de Houston ne verra le sommet que de loin et l’année suivante, le commandement lui revient naturellement. Sauf que dès les préparatifs, ça sent la débandade…

Défections, mutineries, problèmes de logistique et de communication

D’abord, les caisses sont vides… Houston a bouffé tout le pécule de l’American Alpine Club avec son expédition manquée. Ensuite, tous les cadors contactés pour participer à l’expédition déclinent les uns après les autres et Wiessner doit donc se tourner vers des seconds couteaux sans expérience. A cela s’ajoute également des problèmes de communication entre les sherpas et les membres de l’expédition qui ne se comprennent pas toujours comme il le faudrait… Mais Wiessner ne renonce pas et prend, au mois de juin, la direction du massif du Karakoram en emmenant dans sa valise un alpiniste amateur fortuné nommé Dudley Wolfe, finalement principal sponsor de l’expédition.

Et comme prévu, rien ne va… Les problèmes de logistique s’enchainent pendant que les principaux membres de l’expédition tombent malades ou perdent les pédales. Entre mutineries et défections, le pauvre Wiessner se retrouve rapidement tout seul à tracer sa route sur le K2. Deux hommes sont pourtant encore là pour l’accompagner: le solide sherpa Pasang Dawa et l’incroyable Dudley Wolfe qui compense ses carences techniques et son manque d’expérience par un mental en acier trempé.

L’interminable attente de Dudley Wolfe

Le 17 juillet pourtant, Wolfe dit stop. Harassé par les longues marches dans la neige, il préfère attendre au camp 8 le retour de ses deux compagnons et le ravitaillement qui doit arriver d’en bas. Sauf qu’en bas, tout le monde ou presque s’est fait la malle et les renforts n’arriveront jamais. En haut, Wiessner et son sherpa touchent presque au but mais doivent finalement renoncer car Pasang Dawa a peur du noir… ils refont une tentative le lendemain qui se solde à nouveau par un échec et redescendent finalement au camp 8 où, après plusieurs jours seul dans sa tente, Dudley Wolfe les accueille avec une méchante gueule de bois. Le lendemain ils parviennent tant bien que mal à le descendre au camp 7 mais il est trop faible pour continuer. Du coup Wiessner et Passang Dawa décident de le laisser et d’aller plus bas chercher du secours. Mais à chaque camp atteint, c’est le même spectacle: des loques de tentes vides… pendant ce temps là, Dudley attend, attend, attend…

Quand ils arrivent enfin au camp 7, les sherpas envoyés par Wiessner (finalement arrivé au camp de base) découvrent le pauvre Dudley encore en vie mais gisant dans ses excréments. On n’a jamais vraiment su ce qui s’était passé ensuite mais il semblerait qu’une avalanche ait fini par emporter à la fois les secours et le mourant, mettant ainsi fin au calvaire de Dudley Wolfe qui aura passé au total 38 jours sans oxygène dans la zone de la mort, dont une grande partie seul, cloitré dans sa tente. Sympa les vacances à la montagne…

Sources:

  • « K2, une grande montagne pour de petits hommes » – Mirella Tenderini – Editions Glénat
  • « Tragédies au K2 » – Paul Molga – Editions Arthaud

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