Elizabeth Hawley, le tigre de Katmandou
Elizabeth Hawley est un personnage tout à fait singulier. Elle n’a jamais gravi la moindre montagne – Dieu l’en garde – mais tous les alpinistes du monde la connaissent et la craignent plus encore que le Yéti, malgré ses 92 ans. Son bureau de Katmandou est, en effet, le passage obligé des « summiters » qui, de retour d’expédition, doivent faire valider leur arrivée au sommet pour intégrer ensuite la fameuse « Himalayan Database ».
Née en 1923 aux États-Unis, c’est d’abord en tant que journaliste qu’Elizabeth Hawley s’est installée dans la capitale Népalaise en 1960. Chargée de suivre puis de rendre compte aux médias des différentes expéditions sur les plus hauts sommets himalayens, elle est, au fil du temps, devenue une sorte de Sherlock Holmes de la montagne dont la réputation n’a cessé d’enfler avec les années à tel point qu’elle fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire de l’alpinisme, au même titre que sa légendaire Coccinelle bleu désormais conduite par son chauffeur personnel.
L’Himalayan Database d’Elizabeth Hawley, la référence non officielle
Et si les alpinistes la craignent tant, c’est parce que la base de données dans laquelle elle archive le résultat de ses enquêtes, est aujourd’hui la référence quasi officielle. Si votre ascension de l’Everest n’est pas dedans, c’est qu’elle n’est pas valable aux yeux de la communauté ! Créée avec l’aide de l’informaticien Richard Salisbury, la fameuse Himalayan Database regroupe en effet toutes les statistiques (passages au sommet, décès, etc.) sur les ascensions des divers sommets de la région. Et même si elle n’a jamais mis les pieds dans aucun camp de base que ce soit, à force d’interviews, d’enquêtes et d’investigations, elle a acquis une telle connaissance des typologies des sommets et leurs alentours, qu’essayer de la rouler n’est même pas envisageable. Se présenter dans son bureau sans preuve formelle de son passage au sommet, c’est s’exposer à devoir retourner dare-dare d’où on vient, c’est à dire 7 000 mètres plus haut…
Si elle est en partie financée par l’American Alpine Club, aucun statut officiel ne régit pourtant l’Himalayan Database. La seule réputation de Miss Hawley suffit à en faire la référence absolue. Ainsi, il n’est pas rare de voir certains dossiers brûlants atterrir sur son bureau. En 2010, par exemple, l’Espagnole Edurne Passaban et la sud-coréenne Oh Eun-sun s’étaient un peu crêpées le chignon pour savoir laquelle des deux était la première femme à gravir les quatorze 8 000. Mais comme elle n’a de cesse de le répéter, Miss Hawley ne tient pas le rôle de juge dans les ascensions. Elle note les revendications des uns et des autres et les gens se font ensuite leur propre opinion. Dans la base de données, les ascensions peuvent ainsi souvent simplement se retrouver affublées de la mention « contesté ». Autre anecdote marquante: en 1995, lorsque le célèbre Himalayiste français Benoît Chamoux disparut en tentant de gravir le Kangchenjunga, dernier 8 000 manquant à son palmarès, Elizabeth Hawley ne lui en accordait que neuf sur les treize qu’il revendiquait…
Entre George Livanos et Hermann Buhl dans les « 100 Alpinistes » des éditions Guérin
Preuve de la place qu’occupe aujourd’hui Elizabeth Hawley dans le monde de l’alpinisme, un sommet proche du Dhaulagiri porte aujourd’hui le nom de « Peak Hawley ». C’est l’alpiniste français François Damilano qui le nomma ainsi en hommage à celle qui fut longtemps l’amie proche d’Edmund Hillary. Plus récemment, ce sont les éditions Guérin qui lui ont rendu le plus beau des hommages en la plaçant parmi les « 100 Alpinistes », confortablement installée – hasard de la chronologie – entre George Livanos et Hermann Buhl, dans leur magnifique ouvrage paru en novembre dernier. C’est le journaliste Rodolphe Popier, aujourd’hui assistant de Miss Hawley à Katmandou, qui a eu la lourde responsabilité de rédiger sa double page. L’histoire de dit pas si elle a été validée par la reine-mère des alpinistes !
Sa biographie officielle (en anglais): « I’ll Call You in Kathmandu »: The Elizabeth Hawley Story – Bernadette McDonald
« Avouez Monsieur Messner, vous aviez planqué une petite bouteille d’oxygène dans votre barbe » Photo: Navesh Chitrakar/Reuters (source: thetimes.co.uk)
1 Commentaire
pascaline - 8 février 2016 à 16 h 36 min
j’adore ta façon de présenter E HAWLEY ! La surveillante générale de l’alpinisme
Flux RSS pour les commentaires de cet article.
Laisser un commentaire