Le grimpeur maudit // Anne M.G. Lauwaert
L'histoire de Claudio Barbier, génie incompris des Dolomites
Claudio Barbier… voilà un personnage tout à fait singulier qui mérite le détour. Grimpeur génial à la personnalité extravagante, autant adulé dans les Dolomites qu’oublié dans sa Belgique natale, Claudio Barbier a laissé une trace à part dans le monde de l’alpinisme. Anne Lauwaert, sa dernière compagne, le raconte dans un livre touchant, bien loin de l’hagiographie à laquelle on aurait pu s’attendre.
De Freyr aux Dolomites
Anne Lauwaert a partagé la vie de Claudio Barbier pendant un an. C’est peu mais ça a visiblement suffi à changer la sienne. Engluée dans un mariage raté et écrasée par un environnement familial difficile, sa rencontre avec le grimpeur belge sur les rochers de Freyr au printemps 1976 agit comme un déclic et marque un tournant dans une vie jusqu’alors sans saveur : « Après trente ans d’une petite vie bourgeoise et banale j’avais vécu deux mois euphoriques dans une année extraordinaire et ensuite… le reste de ma vie pour essayer de comprendre… »
En 1976, Claudio Barbier a 38 ans et sa carrière est déjà derrière lui. Cela fait 15 ans qu’il a ébahi le monde de l’escalade en réussissant, le 24 août 1961, le fabuleux enchainement de cinq voies mythiques dans les faces nord de Lavaredo : la Cassin, la Comici, la Preuss, la Dülfer et la Innerkoffer, le tout en treize heures et en solo. Pour raconter son histoire, Anne Lauwaert jongle donc entre le récit de l’été idyllique qu’elle a vécu en sa compagnie dans les Dolomites en 1976 et les souvenirs basés sur les témoignages et les archives (notamment de nombreuses correspondances entre Barbier et ses parents) à sa disposition.
Pitons jaunes, crabes et roc n’roll
Avec en toile de fond Freyr et son ambiance si spéciale, la vie dans les refuges des Dolomites où l’on côtoie Livanos, Lacedelli et tant d’autres, l’auteur s’attarde sans retenue sur la personnalité complexe de Barbier, tour à tour bougon, maniaque, érudit, extravagant, drôle, perturbé, perturbant, difficile à suivre voire moitié fou, mais ô combien attachant pour qui veut bien chercher à le comprendre. Parmi les innombrables anecdotes, on retrouve bien sûr le fameux épisode des pitons peints en jaune pour montrer son attachement à l’escalade libre au sens strict du terme, son aversion pour les crabes (les grimpeurs touristes), sa passion pour Johnny Hallyday mais aussi sa relation aux livres qu’il traitait avec un soin quasi mystique. J’espère qu’il ne m’en voudra pas d’avoir corné quelques pages de celui-ci, mais moi, quand j’aime, je corne !
Comme on connait la fin (Claudio est mort le 27 mai 1977), on l’attend avec angoisse. Et quand elle arrive alors que se profile un nouvel été de rêve, à deux dans les Dolomites, le cœur se serre… nous aussi on avait appris à l’aimer le grimpeur maudit…
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