L’orage en montagne, terreur des alpinistes
J’ai longtemps cru que les alpinistes n’avaient aucune faille… que rien ne pouvait atteindre leur incomparable stature. Et puis à force de passer ma vie dans leurs récits, j’ai fini par trouver leur talon d’Achille: ces fiottes ont peur de la foudre ! En même temps, il parait qu’un orage en haute montagne ça laisse des souvenirs ! Surtout à ceux qui ont survécu…
Le foudroyé le plus célèbre de la littérature alpine, tout le monde le connait et pourtant il n’a jamais existé. C’est Jean Servettaz, héros malheureux du roman de Frison-Roche, qui, sous les yeux médusés de Georges à la Clarisse et de leur client, s’effondra dans un fracas épouvantable au beau milieu du Dru… Son expérience lui avait pourtant dicté la bonne conduite mais c’était trop tard, la foudre était là: « Bientôt le Dru serait à l’épicentre du combat. Les feux follets crépitaient sans discontinuer sur la robe de la Vierge: on eût dit qu’un poste invisible émettait des messages avec l’espace; d’étranges bruits emplirent l’air; cela arrivait comme un bourdonnement aux oreilles des grimpeurs et en même temps il leur semblait qu’une invisible main tirait, tirait leur chevelure. Entends-tu, Georges ? Les abeilles… entends-tu, les abeilles bourdonnent ! Vite ! partons ! la foudre est sur nous. »(1).
Le sonotone de Pierre Kohlmann frappé par la foudre
Dans la vraie vie, le coup de foudre le plus terrifiant de l’histoire de l’alpinisme est peut-être celui qui frappa le sonotone de Pierre Kohlmann lors de la tragédie du pilier du Frêney en 1961. Pierre Mazeaud raconte: « Assis sur mes étriers, je pitonne, quand j’entends à la frappe une sonnerie ressemblant quelque peu au téléphone. Mes compagnons, quarante mètres en-dessous, dressent l’oreille. Bientôt, je sens des douleurs dans mes doigts, des flammèches courent sur mon marteau. Les mousquetons que j’ai en bandoulière me collent aux doigts (…) Un pendule me pose près de Pierrot, quand un éclair d’une étonnante lueur le frappe au visage, exactement à l’oreille où son appareil auditif se noircit. Il tombe dans mes bras, hagard, écœuré, sans réaction… »(2). Kohlmann ne sera pas tué sur le coup mais le choc semble lui avoir fait perdre la raison. Durant les plusieurs jours que durera le calvaire de la descente, il ne dira plus un mot… Il finira par s’effondrer à quelques mètres du salut, dernière victime d’un terrible orage qui tua quatre alpinistes…
Effet couronne et « feu de Saint-Elme »
Bourdonnement dans les oreilles, flammèches sur les piolets… Mais quel est donc ce curieux phénomène dont parlent tous les alpinistes qui, un jour, ont subi un orage en montagne ? Mes modestes recherches m’ont conduit vers un phénomène visiblement bien connu des spécialistes: « l’effet couronne » ou « l’effet corona ». Le site techniques-ingenieur.fr m’apprend « qu’il se manifeste sous forme d’une gaine lumineuse bleuâtre qui apparaît autour d’un fil mince, lorsque celui-ci est porté à un potentiel suffisant. A l’approche d’un orage, sous l’effet de l’intense champ électrique généré par les charges électriques du nuage orageux, il se forme au sommet de toutes les pointes ou aspérités – piolets des alpinistes par exemple – des effluves ou aigrettes, accompagnées d’un crépitement caractéristique. » Ce phénomène, dans sa forme naturelle, est également connu sous le nom de « feu de Saint-Elme », du nom du saint patron des marins qui le priaient ardemment lors des orages en mer pour qu’il les protège de la foudre. Bigre !
Les « Piolets d’Or », une récompense du tonnerre !
La liste des alpinistes surpris par l’orage en montagne est aussi longue que la montée de l’Everest mais n’allez pas croire que par leur expérience et leur flair, les ténors de la grimpe échappent à la règle et à la peur. Citons, par exemple, le célèbre alpiniste britannique Chris Bonington : « J’ai souvent bivouaqué pour attendre le beau temps, passé des nuits dans la tempête… Dans un orage, il n’y a rien d’autre à faire que s’asseoir. Et attendre que ça passe, la trouille au ventre… » ou encore Lionel Terray surpris en pleine ascension du Mont Maudit: « Au début de l’après-midi, alors que nous approchions du sommet, l’orage fondit sur nous, des aigrettes d’étincelles se formaient au-dessus des pompons de nos bonnets et j’éprouvai à nouveau la peur panique que provoquent en moi ces déchainement de la nature. »(3).
On l’a bien compris, lors d’un orage, le piolet, par son caractère métallique, n’est plus forcément le meilleur ami de l’alpiniste. On sait aussi que l’or est un excellent conducteur d’électricité. Et justement, dans quelques jours, du côté de La Grave, seront remis les fameux « Piolets d’Or », hautes distinctions décernées au gratin de l’alpinisme mondial. Des candidats ?
(1) « Premier de cordée » – Roger Frison-Roche
(2) « Montagne pour un homme nu » – Pierre Mazeaud
(3) « Les conquérants de l’inutile » – Lionel Terray
8 Commentaires
Jean Philippe - 21 mars 2016 à 15 h 52 min
C’est effectivement un soucis très présent chez les guides. J’ai souvenir d’avoir eu un orage qui approchait lors d’une rando sur les demoiselles coiffées dans les Alpes de hautes Provence, et le guide toujours zen comme c’est souvent le cas chez ces gens là a commencé a activer la descente. Ca ne rigolait plus du tout. C’est une des rares situation ou ils ne maitrisent plus rien.
pascaline - 22 mars 2016 à 10 h 58 min
moi aussi je voulais raconter cette anecdote et me voilà grillée… Je veux ajouter que c’est à partir du moment où l’un d’entre nous a dit au guide qui avait de longs cheveux filasses : oh ! tes cheveux sont droits sur ta tête que celui-ci a paniqué
thomas - 22 mars 2016 à 11 h 04 min
Voilà une anecdote qui décoiffe !
Alek - 4 avril 2016 à 10 h 03 min
J’aurais aimé savoir quelles sont les recommandations des alpinistes sur les conduites à tenir en cas d’orage ? On trouve souvent tout et n’importe quoi sur les règles de sécurité en cas d’orage. Je me suis déjà retrouvé dans une situation similaire, c’est très difficile à gérer, surtout en groupe car c’est la panique pour tout le monde !!
Quelqu’un aurait-il des sources d’infos intéressantes ?
merci
thomas - 4 avril 2016 à 10 h 20 min
D’après ce que j’ai pu lire par-ci par-là en préparant cet article, j’ai cru comprendre que s’assoir par terre en évitant, si possible, de se coller à la paroi est la bonne méthode à adopter. Il faut aussi évidement éloigner les objets métalliques comme les piolets et mousquetons. J’imagine qu’en groupe, ça ne doit pas être évident… Mais n’étant pas moi-même alpiniste, je ne pourrai pas en dire plus à ce sujet… mais si quelqu’un a de bonnes expériences à partager, je suis également preneur !
philippe - 16 janvier 2017 à 23 h 38 min
En tant qu’ancien encadrant du Pyrénées Club de France ayant moi même eu affaire a la foudre dans le massif du Céciré (Pyrénées) avec mes copains nous avons distinctement entendu les « abeilles » nous avions très peur et nous sommes séparés et tous aplatis au sol en position foetale?
Par contre j’ai déniché un « détecteur d’orage » inattendu! je voulais vous le dire. Un vieux petit transistor AM/FM Hitachi! j’en ai un autre plus gros, un « Sokol » soviétique, et ai constaté le même phénomène sur les deux et y compris sur le vieux Ducretet a lampes de la maison:
lorsque l’orage approche a environ 30 kms, on entends très bien de forts craquements dans le poste, même si on est calé entre 2 stations, mais seulement en AM ( grandes ondes)
alors cela m’a sauvé deux fois, lorsque je vais pêcher a haute altitude dans les lacs pyrénéens, j’emmene mon petit poste japonais, et, soit j’écoute les infos en grandes Ondes, soit je le cale entre 2 stations, volume monté de moitié.
et a chaque fois lorsque j’entendis des craquements secs dans le poste, l’orage arrivait 1/2 h après! infaillible!!
je vous dois une explication technique: les éclairs émettent de fortes ondes radio dites « ondes amorties » parfaitement audibles sous formes de « craaac »
voilà, ce petit truc peux vous être utile par contre seulment les grandes ondes, en FM et numerique ça ne marche pas!
on trouve des tas de ces petits postes sur le coin-coin a faible prix et qui fonctionnent
philippe
philippe - 16 janvier 2017 à 23 h 43 min
d’ailleurs je vous ajoute une info: les premiers émetteurs radio dont celui du Titanic fonctionnaient a étincelles et « ondes amorties » ça portait assez loin environ 200km
ceci explique celà.
philippe
thomas - 17 janvier 2017 à 14 h 42 min
Ça risque d’alourdir un peu le sac à dos mais merci pour l’astuce et les explications !
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