Tragédie à l’Everest // Jon Krakauer
Le best-seller qui interroge
Voilà un livre dont on pourra au moins dire qu’il aura marqué les esprits, voire son époque. « Tragédie à l’Everest » est un peu au livre de montagne ce que « La grande vadrouille » est au cinéma français: un ovni ! Il fait dire que tout y est: un drame, des morts, des survivants salement amochés, des témoins, des polémiques… bref tout ce qu’il faut pour en faire un best-seller ! Pas étonnant qu’il ait été adapté à toutes les sauces, à la télé, au cinéma et même à l’opéra !
Les récits de drames en montagne, aussi bien écrits soient-ils, sont inévitablement parsemés de quelques longueurs. Pas évident de pondre 300 pages sur un type (deux si on a de la chance) qui attend la mort au fond d’une crevasse, la gorge desséchée par -40°C… Dans « Tragédie à l’Everest », même avant que ça parte en sucette, on a déjà vibré avec les clients qui ne savent pas mettre un pied devant l’autre sur la glace, les guides qui n’en font qu’à leurs têtes, les sherpas qui font la gueule et les chefs d’expédition qui, méchamment sous pression, commencent à piquer du nez…
Et au milieu de ce marasme, se trouve ce bon vieux Krakauer, avec son bic et son dico. Alors il raconte… Il raconte comment Rob Hall a lourdement insisté pour que Doug Hansen tente à nouveau sa chance après son échec près du sommet l’année précédente. Il raconte les tentions entre Scott Fischer et le petit Anatoli Boukreev, 3 ans, qui refuse de mettre son masque à oxygène. Il raconte, aussi, que Sandy Pittman aurait plus sa place dans un défilé de mode que sur les pentes de l’Everest: « Je peux pas, la neige elle est trop molle ». Il raconte, encore, que tout le monde voit bien que Fischer n’est pas au top de sa forme mais qu’il préfère ne rien dire. Il raconte, surtout, que personne n’a fait demi-tour à 14h comme convenu. Il raconte, enfin, comment Rob Hall téléphone a sa femme depuis son lit de mort pour lui dire que tout va bien…
Le sketch des expéditions commerciales sur l’Everest
Et il raconte, à l’heure des comptes, l’immense débandade de deux expéditions à but éminemment lucratif. Et s’il amène le lecteur à s’interroger sur le bien fondé de ce genre d’entreprise, Krakauer était certainement loin de se douter que, quelques années plus tard, parmi les innombrables lecteurs de son bouquin, un bon petit paquet allaient venir s’entasser comme des débiles au pied du ressaut Hillary pour y chercher, eux aussi, y a pas de raison, un peu de gloire et de prestige…
En même temps, c’est vrai que ça donnerait presque envie d’aller voir là haut comment ça se passe en vrai. Il y a indéniablement un côté mystique dans tout ça. Un nuit dans une jolie canadienne au col sud, ça doit être une expérience à vivre !
Au-delà des innombrables controverses qu’il aura pu générer, « Into thin air » (dans sa version original) est un livre qu’il faut avoir lu pour comprendre le sketch des expéditions commerciales sur l’Everest et on est en droit de se demander s’il ne devrait pas être un passage obligé pour la masse de dingos qui s’attaquent à l’Himalaya avec leur porte-feuille en guise d’expérience.
3 Commentaires
Rioux Daniel - 5 mars 2017 à 6 h 03 min
J’ai lu et relue ce volume et fait le camp de base de l’Everest, oui tous ceux qui pensent faire l’Everest devrait le lire.
Vouloir faire l’Everest c’est comme jouer à la roulette russe.
Tu peux gagner mais un jour ce sera la montagne qui aura le dernier mot…….
Renaud SLEZAK - 2 septembre 2017 à 23 h 32 min
Roulette russe??! non monsieur, il n’y a que de mauvaises décisions prises à l’encontre du bon sens, ou des comportements orgueilleux…
Fabien Gerard - 23 décembre 2018 à 13 h 50 min
Même en prenant de bonnes décisions il peut toujours y avoir des problèmes imprévisibles de santé une fois les 8000m dépassés… A cette altitude difficile d’être secouru…
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