Le ressaut Hillary, dernière marche avant la gloire

18 février 2016 - Pas de commentaire

Le ressaut Hillary est un vague amas rocheux d’une petite douzaine de mètres de haut à peine. Le genre de plaisanterie qu’à Fontainebleau, on laisse aux enfants qui débutent l’escalade. Le problème c’est que ce fameux ressaut se situe à 8 790 mètres d’altitude, à quelques encablures du sommet de l’Everest, sur le versant Népalais. Et pour les grimpeurs en bout de course, harassés par des heures d’effort, il n’a rien d’un jeu d’enfant…

« Une difficulté du dimanche après-midi pour des grimpeurs expérimentés »

« Lisse, n’offrant à peu près aucune prise, ce rocher aurait constitué, dans le Lake District, une difficulté du dimanche après-midi pour des grimpeurs expérimentés; mais ici, il opposait à nos faibles forces une barrière insurmontable. »* Voici comment Sir Edmund Hillary décrivit après coup, ce mur de roc qui se dressa soudainement sur sa route et celle de son compère Tensing Norgay le 29 mai 1953, jour de gloire sur le toit du monde. Mais à en croire le reste du récit, l’apparition n’eut rien de mystique pour les deux grimpeurs. Ils étaient certes les premiers à l’atteindre mais ils savaient qu’il était là, quelques mètres avant le but suprême. Les reconnaissances aériennes l’avaient effectivement repéré et même s’ils n’avaient qu’une vague idée de son véritable aspect, ils se doutaient qu’il leur faudrait en avoir encore un peu sous la pédale pour espérer franchir ce dernier écueil que leur réservait Chomolungma…

Après l’avoir observé un bon moment, Hillary repéra une fissure sur le côté du ressaut. Il s’y faufila puis, grâce à ses crampons et ses dernières forces, il réussit à s’élever, de dos à la parois, jusqu’au sommet de l’obstacle. Après avoir récupéré de son effort rendu colossale par la rareté de l’air, il n’eut plus qu’à hisser Tensing jusqu’à lui grâce à la corde qui les reliait et filer ensuite vers le sommet et la gloire. Quelques dizaines de minutes plus tard, les deux héros se présentaient de nouveau devant l’obstacle qu’ils avaient cette fois-ci à franchir en sens inverse. Hillary raconte : « Avec cette sorte de d’indifférence qui préside à l’accomplissement des choses devenues familières, nous nous faufilions de nouveau dans la fissure. Notre fatigue ne nous pesait pas au point de nous faire négliger les précautions nécessaires. » Quelques heures plus tard, ils étaient de retour sains et saufs au camp avancé du col sud. La légende était écrite et Hillary possédait désormais, unique prestige, un ressaut à son nom !

60 ans plus tard: Traffic jam au Hillary step

Aujourd’hui, la difficulté que représente le « Hillary step » – comme l’appellent les anglophones – pour les grimpeurs arrivés jusque-là, n’est plus exactement du même ordre. Les cordes fixes ont depuis bien longtemps remplacé le panache et son franchissement est donné même aux grimpeurs du dimanche qui n’ont plus rien dans les chaussettes. Non, le souci aujourd’hui, c’est l’attente interminable qu’il faut se farcir aux heures de pointe… Avant de monter, il faut attendre que celui qui descend ait fini et vice-versa. Les jours de grandes affluences l’attente peut s’éterniser au point de voir les réserves d’oxygène s’épuiser dangereusement…

Les autorités Népalaises s’interrogeaient récemment sur la possibilité de mettre en place une sorte de permis d’ascension afin d’empêcher les grimpeurs sans expérience de venir se suicider sur l’Everest. L’idée étant de réserver l’accès aux personnes qui auraient déjà gravi des sommets d’au moins 6 500 mètres. C’est à se demander si l’interdiction d’utiliser des cordes fixes au ressaut Hillary ne serait pas une solution plus drastique pour couper court aux ambitions les plus téméraires…

Mise à jour du 18 mai 2017 :

Suite à la chute de sérac de la cascade glace de 2014 et à l’avalanche qui a ravagé le camp de base l’année suivante, l’Everest a fermé ses portes aux alpinistes pendant deux ans. En 2016, les premiers à atteindre le sommet se sont étonnés de l’aspect du ressaut Hillary qui semblait avoir changé de tête mais personne ne fut en mesure de dire si l’enneigement exceptionnel en était la cause ou s’il avait véritablement disparu. En mai 2017, le grimpeur Britannique Tim Mosedale publia une photo reprise par le célèbre blogueur Alan Arnette qui confirma que le ressaut avait bien été rayé de la carte, probablement victime d’un éboulement. « Il sera désormais certainement plus facile d’atteindre le sommet. Les goulets d’étranglement devraient être plus courts et ceux qui possèdent des compétences minimales en escalade seront heureux. Pour certains, cependant, ce sera un peu décevant étant donné que le ressaut Hillary faisait partie intégrante de l’ascension Everest depuis 1953″ commenta Alan Arnette suite à cette nouvelle. Un peu plus tard, pourtant, les autorités népalaises réfutent l’information via un communiqué : «  »Le ressaut Hillary est intact ! Il est simplement recouvert d’une importante couche de neige. » La confusion continue autour du ressaut…

Mise à jour de 21 mai 2018 :

La photo prise par le guide Casey Grom ne laisse cette fois-ci plus de place au doute. S’il n’a pas complétement disparu, le ressaut Hillary n’est plus vraiment le ressaut Hillary.

* Victoire sur l’Everest – John Hunt (Extrait du chapitre IV – Le sommet – écrit par Sir Edmund Hillary himself)

Ressaut Hillary - Everest
« Poussez-pas ! Mais j’étais là avant le monsieur ! » (Photo: Subin Thakuri, Utmost Adventure Trekking – nationalgeographic.fr)

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