Erhard Loretan, une vie suspendue // Charlie Buffet
La biographie du troisième homme aux quatorze 8000
Elle n’a pas dû être simple à écrire cette biographie d’Erhard Loretan. Autant l’himalayiste suisse a donné de quoi gratter du papier avec ses incroyables ascensions au style limpide et novateur, autant une fois de retour dans la vallée, il fallait se lever tôt pour arriver à lui tirer quelques vers du nez… Pour ce livre paru en 2013, deux ans après la mort accidentelle de l’alpiniste suisse au Grünhorn, Charlie Buffet est donc allé à la rencontre de ses proches pour recueillir des témoignages précieux et touchants sur le lutin génial à la vie riche et tourmentée.
Des 8000 et des tourments
Charlie Buffet a rencontré Erhard Loretan en 1995 à son retour du Kangchenjunga, son quatorzième et dernier 8000. De cette rencontre, il garde le souvenir « d’un homme drôle et heureux, porté par sa passion. » Mais lorsqu’on referme ce livre paru presque vingt ans plus tard, on a surtout la vision d’un homme passionné certes, mais aussi tourmenté par les nombreux drames qui ont jonché sa vie : l’absence du père, l’accident de Nicole Niquille sa première compagne, le chute de Pierre-Alain Steiner au Cho Oyu en 1986, mort dans ses bras après plusieurs jours d’agonie et bien sur la mort de son fils Evan en 2001, victime du syndrome du bébé secoué. Mais la vie d’Erhard Loretan, c’est surtout la montagne, l’Himalaya et des ascensions hors normes comme l’enchainement Gasherbrum II, Hidden Peak, Broad Peak en quinze jours en 1983 à seulement 24 ans, ou bien sûr à l’Everest en 1986 avec Jean Troillet (camp de base, sommet, camp de base en seulement 43 heures), ascension mythique racontée ici avec le souci du détail.
Il me semble cependant que l’on verse un peu dans l’hagiographie au moment de raconter le duel entre Loretan et Benoit Chamoux au Kangch en 1995*. On présente un Chamoux obnubilé par le challenge des quatorze 8000, collé aux basques d’un Loretan qui n’a que faire des médias et qui s’est fait piéger par les chiffres : « Il a compté sans la magie des chiffres, l’attrait pour la compétition. Il a aimé la solitude de l’Antarctique, le voilà soudain sur une scène d’opéra, dans un rôle de tragédien qu’il déteste. » Un peu facile me semble-t-il… La description de la photo du sommet me laisse également un peu perplexe : « Il se tient de guingois, la bouche ouverte sur ce qu’on peut, avec de l’imagination, prendre pour un sourire. Aucun signe de victoire. Il est recroquevillé contre le vent. » Soit on ne parle pas de la même photo, soit l’hypoxie me joue des tours… J’y vois plutôt un Loretan fou de joie, main droite levée vers le ciel en signe de victoire.
Au rayon des bonnes idées, les cahiers photos, toujours sympa pour illustrer le propos, mais aussi, en annexe, les principales dates de la vie d’Erhard Loretan avec, à chaque fois, quelques lignes de commentaires. Petit mémo bien pratique qu’on devrait retrouver dans toutes les biographies d’alpinistes.
* En 1995, les deux hommes ont chacun gravi treize 8000 et ils se retrouvent ensemble au pied de la même montagne (le Kangchenjunga) avec le même objectif : devenir le troisième homme à réussir le challenge des quatorze 8000, après l’italien Reinhold Messner et le polonais Jerzy Kukuczka.
Erhard Loretan, une vie suspendue // Charlie Buffet – Editions Guérin, 2013.
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