Gaston Rébuffat

La légende s'habille en Jacquard

Ah ! C’est sûr, c’était pas un marrant le Gaston ! Il n’était pas du genre à mettre un coussin péteur dans son sac à dos. Une nuit de bivouac tout seul avec lui, tu finissais par parler aux étoiles… Et puis cette allure de grand échalas dégingandé, ce menton en galoche et cet atroce pull-over Jacquard… non vraiment, si Gaston Rébuffat n’avait pas été un des plus fameux grimpeurs de tous les temps, je me demande bien ce qu’on aurait pu faire de lui…

Et pourtant ça partait mal… vouloir devenir guide de haute montagne en étant né à Marseille, fallait être salement motivé. Mais la motivation de Gaston Rébuffat n’a jamais vraiment été un problème. La montagne c’était sa vie depuis son adolescence et son passage au sein de « l’œuvre Jean Joseph Allemand » qui lui donna l’occasion de faire ses premières sorties en montagne. Mais l’aventure de l’alpinisme commence véritablement pour le jeune Gaston lorsqu’à 16 ans, il s’inscrit au Club Alpin Français et rencontre Henry Moulin qui, équipé d’une voiture, va lui permettre de commencer à aller voir au-delà de ses « chères calanques ».

La vie à la ferme avec Lionel Terray

Mais c’est surtout lorsqu’il s’engage à « Jeunesse et Montagne » quelques années plus tard, que sa carrière va prendre un tournant. S’il n’est pas franchement fan de la discipline militaire qu’on lui impose là-bas, son passage au sein de l’institution va lui permettre de rencontrer un certain Lionel Terray qui deviendra son camarade de cordée pour ses premières grandes courses. En sortant de « Jeunesse et Montagne », les deux compère s’installent dans la ferme des Houches de Terray et partagent leur temps entre la traite des vaches et l’escalade. Et si la vie à la ferme n’est pas franchement leur truc, cette dernière représente néanmoins un fantastique camp de base pour leurs innombrables sorties en altitude qui vont bientôt faire d’eux les meilleurs grimpeurs de leur génération. Et très vite, Gaston deviendra réputé pour son style, d’une rare élégance.

En 1942, à 21 ans seulement, Rébuffat réalise enfin sont rêve et devient guide de haute montagne. Il peut enfin exercer sa passion tout ayant de quoi vivre. Sauf qu’en 1946, il va rencontrer une dame du monde : Françoise Darde, fille d’un architecte parisien. Et lorsqu’elle devient Madame Rébuffat quelques mois plus tard, Gaston se retrouve soudain dans l’obligation de remplir ses poches souvent vides. Il va lui falloir emmener des clients dans des courses prestigieuses mais ça n’est pas pour lui déplaire ! C’est ainsi qu’on le retrouve dans les Drus, les Grandes Jorasses ou encore en 1945 au sommet du Piz Badille avec son client Bernard Pierre pour la répétition de la fameuse face nord ouverte huit ans auparavant par l’idole Riccardo Cassin.

L’Annapurna, souvenir amer pour Rébuffat

En 1950, Rébuffat est logiquement sélectionné avec ses amis Lachenal et Terray pour l’expédition française qui part à l’assaut de l’Annapurna avec Maurice Herzog à sa tête. Mais si l’expédition est couronnée du succès qu’on lui connait, Gaston lui, est amer. Il n’a pas franchement aimé qu’on lui fasse signer, juste avant de partir, un contrat lui interdisant de publier quoi que soit pendant les cinq années suivant son retour d’expédition. Il n’a pas non plus aimé l’attitude d’Herzog jugée nationaliste, guerrière et d’un enthousiasme démesuré: « Ah, si Herzog au lieu de perdre ses gants avait perdu les drapeaux, comme j’aurais été heureux!… ».  Même ses relations avec Lachenal et surtout Terray se sont dégradées pendant les trois mois passés en Himalaya. Bien sûr, il est devenu un héros mais ça, il s’en moque bien… il attendait autre chose de cette expédition… en plus, il n’est même pas allé au sommet…

L’écriture, sa seconde passion

Mais ce que l’homme au pull jacquard aimait aussi avec la montagne, c’était en parler, la partager et surtout l’écrire. Il n’aimait pas les ascensions solitaires mais il ne fallait compter sur lui pour tailler le bout de gras pendant les bivouacs. Il aimait mettre à profit ses longues attentes pour réfléchir à de belles envolées lyriques qu’il consignait immédiatement dans le carnet qu’il n’oubliait jamais d’emmener avec lui. On lui doit aussi un bon paquet de conférences ainsi que quelques films parmi lesquels on peut citer « Flammes de Pierres » ou encore « Etoiles et Tempêtes » tiré de son fameux ouvrage éponyme paru en 1954.

Contrairement à beaucoup d’alpinistes Gaston Rébuffat n’est pas mort de sa passion pour la montagne. Il est décédé en 1985, à 64 ans, d’un cancer tout bête… Sur sa tombe du vieux cimetière de Chamonix, quelques mots tirés de son livre « Les Horizons gagnés », rappellent sa fascination éternelle pour la montagne: « Mener son corps là où une première fois le regard s’est posé ».

S’il y a des candidats au suicide, je vous propose cette vidéo d’un entretien intitulé « Les horizons de Gaston Rébuffat » dégottée dans les archives de la chaine Suisse RTS. Celle-ci, plus fun, trouvée sur le site Sevendoc.com nous propose des interviews de Françoise Rébuffat et Christophe Profit sur l’histoire de la fameuse photo de Gaston sur l’Aiguille de Roc envoyée dans l’espace par la NASA pour montrer aux Extraterrestres de quoi sont capables les hommes.

La photo en question, chipée sur le blog d’Yves Ballu, son biographe:

Rébuffat - Aiguille de Roc - Nasa

Bibliographie:

1 Commentaire

  • Kimmerlin Gilles - 2 août 2016 à 16 h 54 min

    Gaston,

    Dans les cieux et le coeur des alpinistes, pour l’éternité …..

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