Pierre Beghin, l’homme de tête // François Carrel

Voyage dans l'oxygène rare

Face ouest du Manaslu, éperon sud du Dhaulagiri, arête nord-ouest du K2, face nord du Jannu, des solos mythiques au Kangch ou dans la face sud du Makalu… et puis la face sud de l’Annapurna en 1992 et la disparition tragique d’un des plus grands hymalayistes français. François Carrel nous raconte Pierre Beghin dans une biographie ultra fouillée qui s’appuie sur les témoignages de ceux qui l’ont connu et sur les écrits de l’alpiniste et ingénieur grenoblois.

Cinq échecs à l’Everest, un chef d’œuvre au K2

Les biographies d’alpiniste, chez Guérin, c’est sans fioriture. On va à l’essentiel, sans en rajouter, quitte à être parfois un peu lisse mais au moins, une fois qu’on referme le livre, on est au point sur le bonhomme. Celle de Pierre Beghin n’échappe pas à la règle : enfance, environnement familial, études d’ingénieur, débuts en escalade, premiers exploits dans les Alpes, premiers pas en Himalaya, méthode d’entrainement, éthique, échecs, succès… tout y passe. En s’appuyant sur les nombreux témoignages des compagnons de cordée de Pierre Beghin, l’auteur pénètre en profondeur dans la personnalité parfois complexe de l’alpiniste à l’engagement extrême. Son frère Claude, Xavier Fargeas, Gérard Bretin, Erik Decamp, Bernard Muller, Thierry Leroy ou encore Christophe Profit (son compagnon de cordée dans la face sud du Lhotse et pour le chef d’œuvre au K2 en 1988) décrivent un Beghin tour à tour passionné, travailleur, excessif, ombrageux, solitaire, renfermé, obsédé par la réussite et miné par les échecs.

Les amputations après le Manaslu, cet Everest qui se refuse obstinément (cinq échecs) ou l’expérience douloureuse de l’énorme expédition française en 1979 au K2 resteront ses plus terribles souvenirs. A chaque fois ou presque, la fin est la même : une ultime tentative désespérée en solo et une marche de retour seul et abattu en queue de peloton… A l’inverse, ses succès le remplissent d’une joie intense et l’incitent à pousser la machine encore plus loin. « Pierre souffrait d’une névrose jamais résolue. Il avait un trou noir en lui qui le poussait vers l’Himalaya et qui fascinait les gens » témoigne sa femme Annie Beghin, tout comme son ami Xavier Fargeas : « Pierre trouvait de la plénitude dans le dépassement, la limite. Il jouait avec la mort. Et, pourtant, il était si fragile, si léger… C’était fascinant. C’est la dimension tragique de Pierre : il n’arrivait pas à s’arrêter. Il y a là un côté tragédie grecque. Sans doute savait-il que ça finirait comme ça. »

Le livre fourmille également d’anecdotes sur sa famille et ce grand-père, brillant ingénieur qui prend beaucoup de place, sur son travail de recherche sur les avalanches au CEMAGREF de Grenoble, ou encore sur ses odyssée à vélo qui le verront parfois faire plusieurs centaines de kilomètres à la force des mollets pour aller grimper le temps d’un week-end. Indispensable valeur ajoutée, le cahier photos recèle quelques trésors qui pourraient bien prendre place prochainement dans la rubrique Les photos de légende.

Pierre Beghin, l'homme de tête - François Carrel

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