Quatorze 8 000, quatorze conquêtes

16 janvier 2017 - 1 commentaire

Herzog qui perd ses gants, Lachenal qui sacrifie ses pieds, Hillary qui franchit son ressaut, Bonatti qui survit à une tentative d’homicide : des conquêtes de l’Annapurna, de l’Everest et du K2, on sait presque tout. Mais quid du Manaslu ? A qui la première du Cho Oyu ? Pourquoi le Shishapangma a-t-il été conquis si tard ? Voici, en quatorze points, un petit mémo qui ne fait pas de mal.

Annapurna, 3 juin 1950

Tout le monde connait l’histoire, on va donc, si vous le voulez bien, se contenter d’un léger rappel. L’objectif de cette expédition française organisée par Lucien Devies et son comité himalayen était le Dhaulagiri ou, à defaut, l’Annapurna. Après une reconnaissance compliquée, Herzog et sa troupe décident finalement de tenter l’Annapurna, plus accessible et moins risqué. Le 19 mai, le camp I est installé à 5 100 mètres. La mousson approche et le temps presse. Quinze jours plus tard, c’est le grand jour. Malgré leurs débuts de gelures, Herzog et Lachenal poussent jusqu’au sommet où le premier nommé se pare de gloire sous l’œil de son compagnon de cordée déjà amère. Quelques heures plus tard, Terray et Rébuffat, restés au camp V, récupèrent leur deux camarades dans un triste état. Herzog, qui a perdu ses gants, a les pieds et les mains gelés, Lachenal seulement les pieds…

Les quatre hommes se perdent ensuite en descendant dans le mauvais temps et doivent bivouaquer au fond d’une crevasse providentielle. Le 5 juin, Marcel Schatz les retrouve finalement et le calvaire de la marche de retour et des amputations peut commercer. Pendant ce temps-là, la France est en liesse. Quelques rancœurs voire même un soupçon de doute viendront ensuite agrémenter cette histoire dont on parle encore près de 70 ans après. Annapurna, premier 8000 puis Annapurna, une affaire de cordée vous diront tout sur la conquête du premier géant himalayen. Pour les plus fainéants, cette petite chronologie suffira.

Everest, 29 mai 1953

Là encore, on sait tout, on a tout lu mais un mémo est un mémo. Alors voilà. Depuis le début du 20ème siècle, l’Everest est une obsession anglaise. George Mallory et, plus tard, Eric Shipton sont les hommes des premières tentatives sur le versant nord. Les Suisse et Raymond Lambert ne sont pas loin de rafler la mise en 1952 mais c’est finalement John Hunt et son invincible armada qui viendront à bout du colosse en empruntant, comme les suisses, l’itinéraire du versant sud situé côté Népalais.

Le 26 mai, Charles Evans et Tom Bourdillon font demi-tour à 8 750 mètres après avoir laissé des réserves d’oxygène pour Edmund Hillary et Tenzing Norgay qui atteignent finalement le sommet le 29 mai après avoir franchi le fameux ressaut aujourd’hui appelé « ressaut Hillary ». Les héros sont néo-zélandais et népalais mais la victoire est bien anglaise et sera célébrée au pays le même jour que le couronnement de la reine Elisabeth II, le 2 juin 1953. La littérature sur le sujet est trop dense pour être résumée ici, aussi retiendrons-nous le récit officiel du chef d’expédition : Victoire sur l’Everest.

Nanga Parbat, 3 juillet 1953

Un mois à peine après la première de l’Everest, c’est le Nanga Parbat qui tombe. L’expédition est allemande mais la légende ne retiendra qu’un seul nom, celui de l’autrichien Hermann Buhl. Karl-Maria Herrligkoffer, le chef d’expédition, voulait une victoire collective qui ferait la grandeur de l’Allemagne mais lorsqu’il entrevoit l’opportunité de partir seul vers le sommet, Buhl n’hésite pas une seconde à ignorer les consignes dont il n’a que faire.

Ainsi, dans la nuit du 2 au 3 juillet, il quitte le camp V et s’enfonce dans la nuit noire. Il atteint le sommet vers 19 heures après un effort démentiel (sans oxygène) et se trouve obligé de bivouaquer à 8000 mètres. Le lendemain soir, c’est un zombi qui est recueilli par ses camarades au camp V. Herrligkoffer est fou de rage mais, c’est trop tard, le solo d’Hermann Buhl est entré dans la légende de l’Himalayisme.

K2, 31 juillet 1954

Là encore, difficile d’être passé au travers. Comment oublier l’histoire de ce pauvre Walter Bonatti abandonné par ses deux compagnons au sort incertain d’un bivouac glacial ? Nous sommes le 30 juillet 1954. Bonatti et le sherpa Mahdi ont pour mission de ravitailler en oxygène les deux hommes de pointe Lino Lacedelli et Achille Compagnoni qui sont au dernier camp d’altitude, prêts à tenter le sommet. Mais au moment où Bonatti arrive avec son chargement, impossible de trouver la tente de ses deux camarades. Il les entend pourtant crier : « Laisse l’oxygène et redescends ». Mais il fait presque nuit et redescendre serait suicidaire : « Lino ! Achille ! Vous ne pouvez pas ne pas nous entendre ! Je vous maudis ! Salauds ! »

Après une terrible nuit à la belle étoile et à 8000 mètres, Bonatti et Madhi laissent l’oxygène et redescendent bringuebalants. Pendant ce temps-là, Lacedelli et Compagnoni foncent vers la gloire. La conquête du K2 est le titre du livre officiel écrit par Ardito Desio, le chef d’expédition mais il faudra attendre près de cinquante ans avant que la version de Bonatti ne soit enfin considérée comme la vraie.

Cho Oyu, 19 octobre 1954

Ah ! En voilà un ! Enfin un 8 000 dont tout le monde a oublié la première. En 1952, pendant que les suisses et Raymond Lambert tentent leur chance sur l’Everest, Edmund Hillary est avec Eric Shipton sur le Cho Oyu, souvent présenté comme le 8 000 le plus abordable. Malgré la lourdeur de l’expédition, les britanniques ne parviennent pas à franchir une barrière de glace à 6 800 mètres.

Deux ans plus tard, une équipe autrichienne légère et inexpérimentée vient tenter sa chance. Herbert Tichy en est le chef mais sur le terrain, le patron c’est le sherpa Pasang Dawa Lama qui avait déjà fait ses preuves au K2 en 1939. Après un premier essai avorté, les autrichiens renvoient Pasang à Namche Bazaar pour chercher des vivres mais lorsque que ce dernier revient au camp de base, il découvre avec stupeur qu’une expédition suisse – qui compte Raymond Lambert et la française Claude Kogan dans ses rangs – vient de débarquer avec l’intention de gravir la montagne. Qu’importe, Pasang Dawa Lama court jusqu’au camp IV où il rejoint Tichy et Joseph Jöchler pour poursuivre vers le sommet qu’ils atteignent le 19 octobre 1954. De cette belle aventure, Herbert Tichy tirera un livre malheureusement non traduit en français : Cho Oyu: By Favour of the Gods.

Makalu, 15 mai 1955

Curieusement, il faut attendre 1954 pour voir une première expédition tenter sa chance sur le Makalu et ses 8 463 mètres. Mais les américains n’iront pas bien haut… A la même période, une équipe néo-zélandaise dirigée par Hillary fit également une tentative sans plus de succès, au grand soulagement des français qui ont obtenu une autorisation pour l’année 1955. Afin de mettre toutes les chances de son côté, l’équipe dirigée par Jean Franco organisa une expédition de reconnaissance à l’automne 1954 pour préparer le terrain et étudier les différentes possibilités d’ascension.

La tactique française s’avérera payante puisque le 15 mai 1955, Lionel Terray et Jean Couzy sont au sommet après une ascension sans histoire – mais avec oxygène. « La facilité déconcertante avec laquelle nous avons vaincu ce géant auquel j’avais consacré un an de ma vie fut pour moi une légère déception » écrira Terray dans Les Conquérants de l’inutile. Le lendemain, Jean Franco, Guido Magnone et le sirdar Gyalzen sont au sommet eux aussi. Le 17 c’est au tour de Jean Bouvier, Serge Coupé, Pierre Leroux et André Vialatte de fouler la cime. Une préparation minutieuse et des conditions météo optimales auront finalement permis à tous les membres de l’expédition d’atteindre le sommet. Trop facile !

Kangchenjunga, 25 mai 1955

Pour obtenir des informations sur la première du Kangchenjunga, il faut être motivé. Il s’agit pourtant du troisième plus haut sommet du monde derrière l’Everest et le K2 mais il semblerait que l’ascension des britanniques Joe Brown et George Band en 1955 soit tombée aux oubliettes, au moins en France. Dieu merci, le blogueur Mark Horrell a eu l’excellente idée d’assister à une conférence donnée par Joe Brown en 2012 (à 82 ans !) et d’en faire le récit sur son blog (in english of course).

On y apprend que l’expédition était dirigée par Charles Evans, un ancien de l’Everest 1953, que, par respect pour les croyances locales (le sommet est, parait-il, la demeure des Dieux de la montagne), Brown et Band se sont arrêtés quelques mètres avant le sommet, et que Norman Hardie et Tony Streather ont eux aussi atteint la cime le 26 mai. On y apprend également qu’un matin au camp de base, George Band a compté quarante-huit avalanches en trois heures, que, malgré la présence de son camarade, Joe Brown a fumé cinq cigarettes dans la tente à 8 200 mètres et qu’il fut victime d’une sévère ophtalmie des neiges lors de la descente. Dernière précision : l’expédition fut endeuillée par la mort du sherpa Pema Dorje, victime du mal des montagnes.

Manaslu, 9 mai 1956

Si les japonais avaient pu transporter le Manaslu chez eux, ils l’auraient fait. En y organisant pas moins de cinq expéditions entre 1950 et 1956, ils ont fait de la huitième plus haute montagne du globe, un objectif primordial pour leur nation. Ainsi après plusieurs tentatives infructueuses et pas mal de soucis avec les populations locales, l’expédition dirigée par Yūkō Maki – alors âgé de 62 ans et également connu pour avoir réussi la première ascension de l’Eiger via l’arête Mittellegi en 1921 – voit Toshio Imanishi et le sirdar Gyalzen Norbu atteindre enfin le sommet, par la face nord, le 9 mai 1956. Pour Gyalzen, qui était déjà au sommet du Makalu avec les français en 1955, c’est le deuxième 8 000. Deux jours plus tard, leurs camarades Kiichiro Kato et Minoru Higeta en font de même.

Au Japon, où l’ascension a été largement médiatisée, c’est du délire ! Les vainqueurs du Manaslu sont accueillis en héros et voient fleurir des timbres à leurs effigies. L’alpinisme devient un sport national et Tsuneo Hasegawa, 9 ans en 1956 et future légende de l’alpinisme japonais, a trouvé ses idoles. Même si les textes sont en japonais, le site toshio.imanishigumi.co.jp nous offre les photos de l’ascension avec une jolie mise en scène. Aligatô !

Lhotse, 18 mai 1956

On le sait, les suisses avaient frôlé l’exploit à l’Everest en 1952. Si la réussite des anglais l’année suivante leur mit certainement un bon coup derrière la tête, elle n’entrava cependant pas leur soif de 8 000 puisqu’ils retournèrent au camp de base de l’Everest en 1955 avec pour objectif la conquête de son voisin de palier : le Lhotse (8 516 mètres). L’expédition menée par Norman Dyhrenfurth fut un échec mais elle prépara parfaitement le terrain pour celle de l’année suivante dont le commandement fut attribué à Albert Eggler avec un double objectif : la première ascension du Lhotse et la deuxième de l’Everest. Rien que ça. Il faut dire que la voie normale de l’Everest est en grande partie la même que celle du Lhotse (jusqu’au col Sud à environ 8 000 mètres).

A la fin du mois de mars, pendant la marche d’approche, Fritz Luchsinger fut victime d’une crise d’appendicite au timing improbable. Après avoir sérieusement envisagé de l’opérer dans un lodge lugubre, Eduard Leuthold, le médecin de l’expédition, expérimenta un traitement médicamenteux qui fit merveille car un peu plus d’un mois plus tard, Luchsinger se dressait au sommet en compagnie de Ernst Reiss (déjà là en 1952). L’expédition, qui bénéficia d’une préparation minutieuse et d’une météo de rêve, fut un succès total puisque le 21 mai, Jürg Marmet et Ernst Schmied réussirent la seconde ascension de l’Everest, trois ans après Hillary et Tenzing.

Gasherbrum II, 7 juillet 1956

Le moins que l’on puisse dire c’est que le printemps 1956 fut propice à grimper sur les 8 000. Car pendant que l’on fêtait les vainqueurs du Manaslu et du Lhotse, une équipe autrichienne dirigée par Fritz Moravec s’apprêtait à faire plier le Gasherbrum II et ses 8 035 mètres. La nouvelle des réussites japonaise et suisse leur parvinrent d’ailleurs alors qu’ils attendaient le beau temps au camp de base. Et c’est justement la météo qui fit basculer cette expédition composée de six grimpeurs, d’un médecin et d’un géologue. Lorsque après une longue période de mauvais temps, les autrichiens remontèrent vers le camp I, ils eurent la mauvaise surprise de voir tout leur matériel enseveli sous des mètres de neige. Le temps perdu à creuser et l’annonce de l’arrivée imminente de la mousson les obligèrent alors à revoir leur plan.

Au début du mois de juillet, au camp III, Moravec fut face à un dilemme… il devait choisir entre continuer à équiper la voie comme prévu avec des porteurs tout en risquant de rater la fenêtre météo ou laisser les grimpeurs porter eux-même leurs charges, ce qui impliquait fatalement un bivouac sous la pyramide sommitale. La deuxième option, pourtant très risquée, s’avéra finalement payante puisque le 7 juillet à 13 h 30, Hans Willenpart déclarait à ses compagnons de cordée, Fritz Moravec et Josef Larch : « Ce fut une corvée incroyable, mais c’est le meilleur moment de ma vie. » La température étonnamment clémente à une telle altitude les autorisa à quitter leurs anoraks et à passer une heure au sommet. Le récit de Fritz Moravec est disponible en anglais sur le site himalayanclub.org.

Broad Peak, 9 juin 1957

Comme pour le Makalu, il faut attendre 1954 pour voir une première tentative (manquée) sur le Broad Peak (8 047 mètres) par une expédition allemande dirigée par le désormais célèbre Karl-Maria Herrligkoffer. Trois ans plus tard, quatre autrichiens se présentent au camp de base. Ils n’ont ni porteur, ni oxygène mais ils ont Hermann Buhl, le héros du Nanga Parbat. Pour cette tentative en pur style alpin, Buhl est accompagné de Marcus Schmuck (chef d’expédition), Fritz Wintersteller et du jeune Kurt Diemberger, alors âgé de 25 ans.

En proie à quelques tensions, l’équipe se divise en deux au moment de l’assaut final et après un premier essai manqué à cause du brouillard le 29 mai, le sommet est finalement atteint le 9 juin vers 17 heures, d’abord par Schmuck et Wintersteller, puis quarante-cinq minutes plus tard, par Buhl et Diemberger. Hermann Buhl devient ainsi le premier homme à réussir deux premières sur des 8 000. Mais l’histoire était trop belle… une fois redescendus au camp de base, Buhl et Diemberger se lancent, pour le plaisir, dans l’ascension du Chogolisa, proche sommet de 7 654 mètres. Alors qu’ils touchent presque au but, une corniche de neige cède sous le poids de Buhl et emporte la légende dont le corps ne sera jamais retrouvé… Le site broadpeak.org retrace parfaitement cette aventure en se basant sur des documents d’archive.

Hidden Peak (ou Gasherbrum I), 5 juillet 1958

Là, on a frôlé l’impasse. Sur le web, pas grande chose… dans la littérature de montagne à ma disposition, pas mieux… Et soudain, coup de bol extraordinaire, que ne découvre-je pas dans le dernier numéro de Montagne Magazine consacré au Grand Alpinisme (oh yeah !) ? Une double page signée Gilles Modica sur la conquête du Hidden Peak. Miracle au Baltoro !

Avant 1958, deux expéditions avaient tenté le coup sur l’Hidden Peak. L’une internationale dirigée par Norman Dyhrenfurth en 1934, et l’autre française menée par Henry de Ségogne en 1936. Aucune des deux ne dépassera 7 000 mètres. Puis, plus rien pendant 22 ans, jusqu’à une expédition américaine dirigée par Pete Schoening qui prit sa chance en tentant l’itinéraire de 1934 – plus long mais moins risqué – sur lequel ils rencontrèrent assez peu de difficultés jusqu’aux environs du camp III où quelques corniches se montrèrent inquiétantes. Au-dessus, c’est le gros morceau de l’ascension. Pas de difficultés sur le plan technique mais une grosse bavante de plusieurs kilomètres sur le plateau d’Urduk. Pour économiser l’oxygène, seul celui qui fait la trace peut s’autoriser une petite goulée de temps en temps. Le 5 juillet, Pete Schoening et Andy Kauffman peuvent ainsi compter sur une bonne réserve d’oxygène au moment de se lancer dans la dernière journée d’ascension. A 15 heures, après des heures d’une marche épuisante dans une neige profonde, ils se dressent au sommet. A 21 heures, ils sont de retour au camp V et peuvent enfin s’écrouler dans leur tente. Tired but happy.

Dhaulagiri, 13 mai 1960

Avant de se lancer à corps perdu dans l’ascension de l’Annapurna l’expédition française de 1950 avait longtemps fait du Dhaulagiri son objectif principal. Et même si ce dernier fut finalement jugé trop risqué par Herzog et sa troupe, sa reconnaissance fut profitable aux différentes expéditions qui tentèrent leur chance dans les années 50. Il y en eut six au total, pour autant d’échecs. En 1960, l’expédition internationale menée par le Suisse Max Eiselin fut finalement la bonne. Le contingent était essentiellement composé de grimpeurs helvétiques mais comptait aussi l’Américain Norman Dyhrenfurth, l’Autrichien Kurt Diemberger ou encore l’Allemand Peter Diener.

La particularité de cette expédition est que la marche d’approche fut effectuée en avion. Oui oui, en avion. « Le Yéti », un Pilatus PC-6 pour être précis. L’expédition de 1953 ayant préalablement établi que le pied de l’éperon du col nord-est constituait un terrain atterrissage parfait, les pilotes Ernst Saxer et Emile Wick réussirent l’exploit de poser l’appareil à 5 750 mètres d’altitude et de faire plusieurs allers-retours pour déposer les hommes et le matériel. Problème, lorsque l’avion tomba en rade le 13 avril, les hommes déjà présents dans les camps d’altitude se retrouvèrent isolés du monde… Le 4 mai, l’avion reprit finalement du service pour terminer sa mission mais le lendemain, il s’écrasa sur la montagne. Cet incident regrettable – mais sans victime – n’empêcha cependant pas l’expédition de se poursuivre et le 13 mai, après six heures d’ascension sans oxygène, Albin Schelbert, Nawang Dorje, Ernst Forrer, Nima Dorje, Peter Diener et Kurt Diemberger (dont le Dhaulagiri est déjà le deuxième 8000 après le Broad Peak en 1958) sont au sommet. Le 23 mai c’est au tour de Michel Weber et Hugo Vaucher d’atteindre la cime. « Le Yeti », lui, n’est jamais redescendu et sa carcasse demeure pour toujours sur la montagne, tel un alpiniste égaré…

Shishapangma, 2 mai 1964

Seul 8000 entièrement situé au Tibet, le Shishapangma fut longtemps inaccessible aux alpinistes pour des raisons politiques. Certains comme Heinrich Harrer et Peter Aufschnaiter en 1945 ou Bill Tilman en 1949, effectuèrent quelques reconnaissances mais au moment où les grimpeurs étaient prêts à le croquer, le Tibet ferma ses frontières. Ce n’est donc qu’en 1964 qu’une monumentale équipe chinoise mit un point final à l’histoire de la conquête des 8 000.

Jusqu’ici, les chinois avaient essentiellement fait parler d’eux en Himalaya en réussissant la première – controversée – de l’Everest par son versant nord en 1960. Pas mal mais rien ne vaut une vraie première. Pour réussir ce dernier acte, le moins que l’on puisse dire c’est que les chinois mirent le paquet puisque pas moins de 195 grimpeurs participèrent à l’aventure. Hsu Ching était le leader de cette armada qui installa au pied de la montagne une véritable ville équipée en électricité. Le 25 avril, tous les camps d’altitude sont équipés et l’équipe de pointe, constituée de treize alpinistes, est prête pour l’assaut final. Les heureux élus se voient remettre un drapeau chinois ainsi qu’un buste de Mao Tse-Tung qu’ils devront déposer au sommet. Le 2 mai 1964, quatorze ans après Herzog et Lachenal à l’Annapurna, dix chinois sont au sommet du Shishapangma et mettent ainsi fin à l’un des plus grands chapitres de l’histoire de l’alpinisme. Le compte rendu de cette expédition est disponible en anglais et en PDF sur le site de l’Alpine Journal.

La conquête des 8000 himalayens
En haut de gauche à droite : Maurice Herzog à l’Annapurna, Fritz Luchsinger au Lhotse, Herbert Tichy et Pasang Dawa Lama au Cho Oyo.
Au centre : Toshio Imanishi au Manaslu
En bas de gauche à droite : Marcus Schmuck au Broad Peak, Kurt Diemberger et Albin Schelbert au Dhaulagiri, Tenzing Norgay à l’Everest.

1 Commentaire

  • Eli - 24 mai 2018 à 13 h 12 min

    Quel travail de documentation! Bravo!

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