Amour et alpinisme: attention danger

Vous voulez faire du sport en couple ? Choisissez plutôt le golf !

On a coutume de dire que vivre en couple avec un alpiniste est un véritable supplice. Il est vrai qu’entre absences ultra prolongées et risques du métier, Madame a de quoi se faire des cheveux blancs… certains ont trouvé la solution au problème: épouser une alpiniste ! Mais est-ce vraiment une bonne idée ? L’histoire a un peu tendance à prouver le contraire…

Maurice et Liliane Barrard, les amoureux sous pression

Sur le papier, l’image a pourtant de la gueule: deux tourtereaux qui arrivent au sommet de la montagne main dans la main, après avoir bravé mille dangers plus redoutables les uns que les autres, et qui s’enlacent dans le soleil couchant… « Lune de miel au sommet » auraient titré les journaux du monde entier ! C’est un peu comme ça que Maurice Barrard avait vendu son projet à aux sponsors, mais ça n’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé, en ce terrible été 1986 sur les pentes du K2…

Car s’ils sont bien au sommet de « la montagne sauvage » ce 23 juin 1986, les silhouettes de Maurice et Liliane Barrard sont bien loin de faire penser à des personnages de carte postale… exténués par les jours de lutte contre la montagne, ils sont dans un état lamentable. L’expériementé Michel Parmentier, qui les accompagne, les a conjurés plusieurs fois de faire demi-tour mais ils n’ont rien voulu savoir. Les Barrard sont pourtant des alpinistes chevronnés habitués des joutes himalayennes mais la pression et l’obligation de résultats étaient sûrement trop fortes… Les voilà maintenant obligés de bivouaquer à 8 400 mètres… le lendemain matin, la descente est un calvaire. Parmentier part le premier, Liliane et Maurice suivent derrière comme des zombies mais leur sort semble déjà scellé… Si le premier parviendra finalement en bas sain et sauf, les deux tourtereaux n’arriveront, eux, jamais au camp de base…

Kurt Diemberger et Julie Tullis, lente agonie dans la tempête

Un peu plus tard dans la saison, sur ce même K2, un autre couple d’alpinistes allait subir un sort presque aussi tragique que celui des époux Barrard. C’est cette fois la légende autrichienne Kurt Diemberger qui va se retrouver dans la tourmente avec sa compagne Julie Tullis lors d’une descente abracadabrante. Après une chute de plusieurs centaines de mètres finalement enrayée, le couple, bien mal en point, est obligé de bivouaquer dans la zone de la mort. L’histoire se répète… le lendemain, ils parviennent tant bien que mal au camp IV en même temps qu’une gigantesque tempête qui durera plusieurs jours, les bloquant ainsi trop longtemps dans des conditions abominables. Julie n’y survivra pas… Kurt si, mais, en plus de sa bien-aimée, il devra laisser plusieurs phalanges sur les flancs de la montagne… cet année là, 27 alpinistes atteindront le sommet du K2, 13 n’en redescendront pas…

Francys et Sergei Arsentiev, les amants de l’Everest

Douze ans plus tard, c’est l’Everest qui sera le théâtre d’une tragédie similaire. En 1998, l’américaine Francys Arsentiev veut être la seconde femme (après la britannique Alison Hargreaves) et la première américaine à atteindre le toit du monde sans oxygène. Son mari Sergei l’accompagne dans ce projet osé et dangereux. Après deux tentatives avortées les 20 et 21 mai, ils atteignent finalement laborieusement le sommet le 22 mai, tard dans la journée, ce qui les oblige à bivouaquer, eux aussi, au-dessus de 8 000 mètres. Sans que l’on sache trop pourquoi, Sergei atteindra seul le camp avancé le lendemain matin et, voyant que sa femme n’est pas là, il tentera de remonter la chercher dans un geste d’amour désespéré qui lui coutera la vie…

Le lendemain, les sud-africains Ian Woodall et Cathy O’Dowd trouvèrent Francys sur leur route vers le sommet. Ils tentèrent de lui porter secours (en même temps qu’une cordée Ouzbek) mais elle finit par mourir de froid et de fatigue pratiquement dans leurs bras… « Ne me laissez pas mourir ici » furent ses derniers mots. Le corps de Sergei, probablement victime d’une chute mortelle, fut retrouvé l’année suivante non loin de celui de sa femme. En 2007, Ian Woodall, hanté par le souvenir de la pauvre Francys, organisa une expédition sur l’Everest pour tenter de donner une sépulture digne de ce nom à sa dépouille. Il parvint à la retrouver et, après une brève cérémonie, fit glisser son corps un peu plus bas sur la montagne, à l’abri des regards.

Pour finir sur une note plus gaie, sachez qu’en 2013, le marocain Nacer Ibn Abdeljalil a fait sa demande en mariage depuis le sommet de l’Everest. On ne sait pas si Madame a accepté mais on espère qu’il ne leur viendra pas l’idée de gravir des montagnes en couple…

Sources:

4 Commentaires

  • Louis - 9 février 2018 à 11 h 42 min

    Ton blog est incroyable Thomas, il est un passage obligatoire pour tout francophone à la recherche de matière, il va directement dans mes favoris. Et ta retranscription de l’expédition du K2 en ce moment est génial !

    Sinon est-ce que tu penses que Rolf Bae et Cecile Skog peuvent faire partis de cette liste comme l’accident est arrivé au K2 ?

    Et pour Erhard Loretan et sa femme Xenia Minder dont l’accident n’est pas arrivé sur un 8.000 ?

    Bonne journée à toi,
    Louis

  • thomas - 9 février 2018 à 12 h 03 min

    Merci Louis, c’est sympa !

    L’idée de l’article c’était surtout de trouver des exemples dans lesquels la tragédie est directement liée au fait de grimper en couple. Je crois Rolf Bae s’est pris un bloc de glace suite à une chute de sérac et que Loretan est mort après une banale chute. Encordés avec un pote, le résultat aurait été le même… ceci-dit, pas sûr que la mort de Julie Tullis que je mentionne dans l’article, soit vraiment liée à la présence de Kurt Diemberger à ses côtés… Magnifique contre-exemple : Romano Benet et Nives Meroi qui ont réussi les quatorze 8 000 en couple. Ces deux-là m’inciteraient presque à refondre mon article.

  • Smurf - 27 février 2018 à 20 h 35 min

    Allons! Parfois c’est monsieur qui se fait des cheveux blancs pendant que madame part en montagne, même si c’est moins courant (un coucou à mon cher frileux)????
    Chouette article qui rappelle une règle essentielle… Le golf c’est nul!

  • eliza - 1 septembre 2020 à 13 h 21 min

    bonjour, ce n’était pas possible de mentionner la polonaise wanda dans l’expé des Barrard avec Michel parmentier? Wanda fut la 1ère à arriver au sommet ce jour là. D’ailleurs cette alpiniste rompait aussi de ses conjoints masculins restés au chaud 🙂

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