L’éperon des Abruzzes, voie presque normale du K2
Suite aux chutes de pierre qui ont blessé deux de ses grimpeurs, l’expédition polonaise qui vise la première hivernale du K2 a décidé de changer ses plans et d’abandonner la voie des Basques au profit de la plus traditionnelle voie des Abruzzes. Et puisqu’on veut continuer à les suivre, il s’agirait de ne pas se perdre en route. Alors voilà le topo…
Louis-Amédée de Savoie, Duc des Abruzzes
Avant d’être la principale voie d’accès au sommet du K2, les Abruzzes sont surtout une région montagnarde du centre de l’Italie. Pour faire le lien entre le sommet Pakistanais et le milieu de la Botte, il faut se tourner vers un homme au destin singulier : Louis-Amédée de Savoie. Né à Madrid en 1873, le jeune Louis hérite du titre de duc des Abruzzes seize ans plus tard, à la mort de son père, roi d’Espagne entre 1870 et 1873. Initié à l’alpinisme dès son enfance, le duc se montre rapidement attiré par les grands sommets et leur exploration. On lui doit notamment la première de l’Aiguille sans Nom et celles des pointes Marguerite et Hélène aux Grandes Jorasses en 1898. Il fut même, le temps d’une ascension du Cervin par l’arête Zmutt, le compagnon de cordée d’Albert Frederick Mummery, un an avant la disparition de ce dernier au Nanga Parbat.
Après avoir exploré l’Alaska, le Pôle Nord puis quelques montagnes africaines, le duc se tourne vers la très haute altitude et les sommets du Karakoram lors d’une expédition qui l’amène au pied du K2 à l’été 1909. C’est là, qu’inspiré par l’expédition de 1902 et le récit de Jules Jacot-Guillarmod, il décida d’emprunter pour la première fois l’arête sud-est qui prit instantanément son nom. Entouré, entre autres, des guides suisses Joseph et Laurent Petigax, du médecin Filippo de Filippi et de son éternel ami et photographe Vittorio Sella, le duc se hisse au-dessus de 6 200 mètres avant de renoncer devant les difficultés. La voie des Abruzzes est née mais le sommet reste inaccessible. Il se tourne alors vers le voisin Chogolisa où il atteint 7 500 mètres, battant ainsi le record d’altitude qui tiendra jusqu’en 1922 et les 8 225 mètres d’Edward Felix Norton à l’Everest.
Cheminée House, Pyramide Noire et Bottleneck
Puisque c’est par cette voie que Lino Lacedelli et Achille Compagnoni atteindront le sommet en 1954, il conviendrait de faire de la voie des Abruzzes, la voie normale d’ascension. Dans le jargon himalayen, la voie normale est sensée être la voie la plus facile d’accès mais le K2 n’a rien d’une montagne normale. Les difficultés rencontrées par les grimpeurs incitent plutôt à parler d’itinéraire le plus logique. Vers 6 500 mètres, en effet, les prétendants se trouveront face à un énorme système de fissures qui leur donnera bien du fil à retordre – et de la corde à démêler. C’est la Cheminée House. Ceux qui sont passés par-là la compare au ressaut Hillary à l’Everest, l’altitude plus clémente compensant les difficultés plus élevées. Aujourd’hui les grimpeurs profitent des cordes fixes déjà en place mais en 1938, l’Américain Bob House n’avait que ses pieds et ses mains à sa disposition lorsqu’il fut le premier à franchir ce passage clé.
Un peu plus haut, vers 7 000 mètres, les alpinistes devront franchir la Pyramide Noire, appelée ainsi en raison de l’aspect sombre de la roche qui la compose. Le passage est moins difficile techniquement que la cheminée House mais beaucoup plus raide et beaucoup plus long puisqu’il mesure environ quatre cents mètres de haut. La glace déjà présente en été ne facilitant pas la chose, on imagine qu’en plein cœur de l’hiver, les Polonais seront face à un sérieux obstacle. Après le camp III qui devrait être établi vers 7 400 mètres, l’ascension s’apparente à une longue bavante sur l’épaule du K2 où la difficulté sera probablement proportionnelle à la quantité de neige dans laquelle il faudra faire la trace. Vers 8 200 mètres, enfin, les grimpeurs se présenteront au pied du Bottleneck, ce fameux goulot d’étranglement menacé par les gigantesques sérac qui le surplombent. C’est là qu’eut lieu, en 2008, l’une des plus terribles tragédies de l’histoire du K2, lorsqu’un énorme morceau de glace sectionna les cordes fixes sous le nez des grimpeurs qui revenaient du sommet.
Mais sur les onze alpinistes polonais actuellement à l’œuvre au pied de l’éperon des Abruzzes, sept ont déjà gravi le K2. Le topo, eux, ils le connaissent…
Voie des Abruzzes et emplacements approximatifs des trois passages clés
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