Lionel Terray

Le conquérant utile

Lionel Terray c’est: des grandes courses à la pelle dans les Alpes, une des plus fameuses cordée de l’après-guerre, des expéditions historiques en Himalaya et dans les Andes, un bouquin mythique et un appétit légendaire ! Bref, un alpiniste comme on n’en fait plus…

Moins élégant que Rébuffat, moins vif que Lachenal, Lionel Terray était avant tout une force de la nature. Très pratique pour bouger l’armoire normande, il l’était moins quand il s’agissait ensuite de l’inviter à dîner… mais son immense appétit ne se limitait heureusement pas aux poulardes et aux sangliers, la montagne aussi savait apaiser sa soif d’aventure et il ne lui fallut pas longtemps pour braver le scepticisme familiale et embrasser la carrière d’alpiniste de haut niveau qui lui tendit les bras dès le début des années 40.

Terray-Lachenal, une cordée mythique

Et si Gaston Rébuffat, rencontré lors de son passage à « Jeunesse et Montagne » fut le compagnon de ses premières escalades sérieuses, c’est bien avec Louis Lachenal qu’il format une cordée qui, à elle seule, allait noircir quelques unes des plus belles pages de l’histoire l’alpinisme d’après-guerre. Passée la première impression mitigée – « l’aspect assez minable de ce garçon me fit, un instant, penser à un chômeur. »(1) -, Terray ne tarda pas à tomber en admiration devant la classe de son copain Biscante: « Déjà, il avait sur la glace et les rochers enneigés ou instables cette facilité déconcertante, cette élégance de félin qui devaient en faire le plus grand montagnard de sa génération. »(1). C’est ainsi qu’à partir de 1946, ils entamèrent une série de grandes courses qui allait les mener au sommet des parois les plus prestigieuses des Alpes: éperon nord des Droites, éperon nord de la pointe Walker des Grandes Jorasses, seconde de la face nord de l’Eiger, ou encore la face nord-est du Piz Badile dans les Dolomites.

« L’infatigable Terray » sur les sommets du monde

Et lorsque, en 1950, l’idée d’envoyer une expédition française à la conquête de l’Himalaya commença à se préciser, c’est tout naturellement que les noms de Lachenal et Terray apparurent en haut de la liste des candidats potentiels, en même temps que celui de Rébuffat. On connait la suite de l’histoire: « l’infatigable Terray »(2) était le premier choix d’Herzog pour l’accompagner au sommet mais c’est finalement Lachenal qui eut les pieds gelés… La fameuse photo de Terray portant dans ses bras son compagnon aux pieds bandés sur le tarmac de l’aéroport d’Orly marque à la fois l’apothéose et la fin de la cordée légendaire…

Deux ans plus tard, c’est en compagnie de Guido Magnone qu’il marquera encore un peu plus l’histoire en réussissant l’ascension du Fitz Roy, la plus redoutable paroi de Patagonie. Son attirance pour les sommets du bout du monde se précisera les années suivantes puisqu’en 1955, il parvient, avec Jean Couzy, au sommet de son deuxième 8000: le Makalu. Il ira ensuite trainer sa jolie carcasse du côté du Jannu qu’il gravira en qualité de chef d’expédition en 1962, puis au Mont Huntington en Alaska en 1965. La même année, par une belle journée de septembre dans le Vercors, une banale chute aux Arêtes du Gerbier mit un terme assez brutale à une vie remplie d’aventures et d’exploits.

« Les conquérants de l’inutile », son plus beau sommet

Mais la « Terray-mania » ne doit pas seulement son existence aux phénoménales qualités de grimpeur du natif de Grenoble, car en 1961, subitement pris de la fièvre littéraire, Lionel Terray offrit à ses fans le récit de ses aventures sous la forme d’un livre mythique dont le titre pourrait exprimer à lui seul la quintessence de l’alpinisme: « Les conquérants de l’inutile ». Que Michel Guérin soit ici sanctifié pour lui avoir donné, en inaugurant sa célèbre maison aux livres rouges, l’habit de lumière – 450 pages illustrées – qu’il lui manquait.

(1) « Les conquérants de l’inutile » – Lionel Terray
(2) « Annapurna premier 8000 » – Maurice Herzog

Terray-Lachenal, cordée mythique
« – Louis, j’ai peur ! – moi aussi, t’as vu ce surplomb ? – non, j’ai peur de manquer de vivres… »

3 Commentaires

  • Perrin Gilles - 27 décembre 2016 à 8 h 50 min

    Bonjour
    Votre blog est super ,je fais profiter les lecteurs du Facebook Chamonix et sa vallée passion patrimoine de vos reportages en citant bien entendu votre blog.
    merci

  • thomas - 27 décembre 2016 à 9 h 59 min

    Merci Gilles ! Votre page Facebook recèle quelques jolis trésors. A voir !

  • GUIMIER Jean - 19 juin 2021 à 18 h 51 min

    souvenir de ma jeunesse j’ai rencontré L.T. le temps passe mais il est toujours dans ma mémoire

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